2014/08/30

[Silences et Correspondances] summer2014_08/

©agnesAL
La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers.
Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
II est des parfums frais comme des chairs d’enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
— Et d’autres, corrompus, riches et triomphants,
Ayant l’expansion des choses infinies,
Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens,
Qui chantent les transports de l’esprit et des sens.
Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal

2014/04/08

Voici le songe . . . F. PESSOA

HORIZON

Ô mer antérieure à nous, tes frayeures
Recelaient coraux, plages et fôrets.
Forcés tous les secrets de la nuit, de la brume
Serrée,  des tourments endurées, du mystére,
Le Lointan s’ouvrait, fleur, et le Sud sidéral
Resplendissait sur les nefs de l’initation.

Ligne sévere de la lointaine côte
Quand la nef s’en approche, la falaise se dresse
En arbes là même  où le Lointain n’avait rien;
La terre, de plus près, se déploie: sons, couleurs;
Enfin, quand on débarque, il y a oiseaux et fleurs
Là où de loin n’était rien que l’abstraite ligne.

Voici  le songe : voir les formes invisibles
De la distance vague, et, par de fort sensibles
Élans de l’espérance et la volonté,
Quérir sur la froide ligne de l’ horizon
L’arbre, la plage, la fleur, l’oiseau, la source
Les baisers mérités de la Vérité.

PAYSAGES DE FERNANDO PESSOA

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