La nuit, quand tout est plongé dans le sommeil,
Est une période de ténèbres : c’est le moment où je lutte.
La maisonnée, endormie.
La terre et les champs, endormis.
Mes maîtres, endormis.
Moi, le chien de garde, lourde est ma responsabilité !
Quand tout – les brigands embusqués,
Les catastrophes naturelles,
La bienveillance des maîtres –
Dérive doucement dans l’univers enténébré,
Je ne dors pas.
C’est le moment où mon esprit est aussi concentré qu’un fil de fer barbelé.
Mais je n’aime pas veiller seul.
Quand je veille seul,
Grandes sont ma solitude et ma crainte !
J’aimerais veiller avec le monde,
Veiller avec la maisonnée.
Regardez !
Les tigres et les yaks sauvages, déjà debouts, se disputent les honneurs.
Les hyènes et les loups, déjà réveillés, se jaugent.
Les renards, déjà levés, guettent l’occasion propice.
Ces meutes aux canines et aux griffes acérées, comme elles sont impressionnantes !
Le vautour, déjà réveillé, fend le ciel.
Le paon, déjà debout, se pavane.
Le passereau, déjà levé, siffle joliment.
Comme ce vol de dakini blanches est GSHER BAG !
Mais notre maisonnée, là-haut, n’est toujours pas réveillée.
Les champs en contre-bas non plus,
Mon maître, dans l’entre-deux, non plus.
La nuit.
Privée de lumière
Sans issue
Ni pensée
Privée d’activité, privée de parole
Cette période où tout est plongé dans le sommeil
Est une période effrayante !
Mais moi, comme toujours, je ne dors pas.
Je dois, il le faut, garder la porte de la maison
Jusqu’à dissipation de l’obscurité,
Jusqu’à éclaircissement du ciel nocturne.
Et quand viendra l’aube, enfin,
Mon appel sonore
Fera sursauter ma demeure carrée et chassera le sommeil.